projet Imprimerie Beresniak

Fondée à Paris peu avant la première guerre mondiale par Abraham Lazare Beresniak, émigré de Russie, l’imprimerie Beresniak s’était spécialisée dans l’impression de livres en différentes langues et typographies (yiddish, hébreu, russe, polonais, etc.).

La Maison de la culture yiddish a publié, avec le soutien de l’institut René Goscinny, l’ouvrage consacré à l’Imprimerie : Imprimé chez Beresniak : Le XXe siècle entre les lignes, dir. Natalia Krynicka, préf. Anne Goscinny, Paris, éd. Bibliothèque Medem, 2019.

Acheter

 

Publicité pour l’imprimerie Beresniak (journal yiddish Letste nayes, Paris, imprimerie Beresniak, 1914)

“[…] Une caractéristique marquante de cette imprimerie est sa longévité et sa stabilité en tant qu’entreprise familiale. Tandis que d’autres établissements durent fermer après quelques années voire quelques mois d’exercice, l’imprimerie Beresniak sut se maintenir pendant 63 ans. En activité entre 1912 et 1975, elle traversa deux guerres mondiales et fut témoin des bouleversements majeurs du XXe siècle. Elle faillit succomber au Génocide, au cours duquel décéda son fondateur, Abraham Lazare Beresniak, tandis que son fils Léon, le gérant de la maison, et deux frères de celui-ci, Maurice et Wolf, également liés à l’imprimerie, furent assassinés dans les camps d’extermination. Estampillée « entreprise juive », l’imprimerie fut spoliée, et ce n’est qu’après de longues démarches que Serge Beresniak, un des survivants de la fratrie, put la récupérer et la gérer jusqu’à sa fermeture. Sous sa direction, avec l’aide de la troisième génération des Beresniak, la maison s’aggrandit, passant d’un atelier de onze personnes rue Lagrange à des locaux spacieux dans le XIe arrondissement employant des dizaines d’ouvriers.
Les titres sortis des presses de l’imprimerie reflètent une bonne partie de l’histoire européenne du XXe siècle. À travers les livres, périodiques et brochures estampillés Beresniak, se déploient la vie effervescente de l’immigration issue de l’Empire tsariste, notamment yiddishophone et russophone du début du siècle, ainsi que les tragédies de la première guerre mondiale.
L’année 1919 apporte un lot de brochures en rapport avec la Conférence de paix de Paris qui prépare le traité de Versailles en l’occurrence les revendications des droits des minorités dans les nouveaux États de
l’Europe d’après-guerre, présentées par le Comité des délégations juives. Après une série de pogromes en Pologne et Ukraine, l’Appel à l’humanité signé entre autres par Anatole France et Henri Barbusse demande la mise en place de comités de défense de la population.
Dans les années 1920, le bouillonnement des idéologies politiques se manifeste dans des publications anarchistes, sionistes ou antibolchéviques. Dans les années 1930, on note l’élan organisationnel des institutions yiddishophones, avec le Alveltlekher yidisher kultur-kongres (Congrès mondial de la culture yiddish, 1937), mais aussi l’angoisse causée par la montéedu fascisme (Adolf Hitler, ses aspirations, sa politique, sa propagande et les « Protocoles des sages de Sion » par Ruben Blank, 1938). Après plus de trois ans de fermeture de la maison (1942-1944), le cachet de l’imprimerie Beresniak réapparaît avec une série de livres concernant les rapports entre l’immigration polonaise en France et le nouveau gouvernement mis en place en Pologne après la Libération. Enfin, mai 1968 laisse également sa trace avec les Propositions d’action pour l’année 68-69 : critique de la politique bourgeoise du logement et du cadre de vie de la section d’architecture de l’École des beaux-arts.
Ce qui apparaît en consultant les publications sorties de l’imprimerie Beresniak, c’est qu’elle ne fut pas seulement le témoin – et la victime – de l’histoire, mais qu’elle contribua également à faire l’histoire. Même si cela peut être dit de chaque imprimerie, celle-ci a à son compte quelques accomplissements remarquables dont le plus frappant est probablement l’impression de la première édition originale des trois volumes de L’Archipel du goulag d’Alexandre Soljenitsyne dans les années 1973-1976. Le livre, écrit clandestinement (1958-1967), fut imprimé dans un climat tendu et décrié par le Parti communiste français. Il fut rapidement traduit en plusieurs langues et contribua à ce que l’Ouest prenne conscience du système des camps de travail soviétiques”.

Extrait de l’introduction de Natalia Krynicka, Imprimé chez Beresniak : Le XXe siècle entre les lignes, dir. Natalia Krynicka, préf. Anne Goscinny, Paris, éd. Bibliothèque Medem, 2019, p. 11-12.

Pour consulter l’inventaire de l’imprimerie Beresniak, cliquez ici.